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> Street ArtGraffiti, quelles différences entre ces deux courants artistiques ? Quels sont leurs points communs ?

Si les deux mouvements artistiques ont émergé à des périodes similaires, leurs trajectoires sont distinctes. De nombreuses passerelles existent entre ces deux univers, mais chacun possède son identité propre et son histoire.

À travers cet article, nous allons tenter de définir ces deux mouvements artistiques, leurs évolutions et leurs spécificités.

Introduction

Notre équipe a commencé à pratiquer le graffiti au milieu des années 90. Nous avons vécu l’évolution de cet univers artistique avec beaucoup d’intérêt, et constaté un changement de perception de la part du public sur cette pratique.

Nous avons également suivi il y a une dizaine d’années l’apparition et l’évolution du mouvement plus large appelé street art. L’explosion dans l’espace urbain de ce mouvement a ouvert de nombreuses portes pour les artistes désirant vivre de leur art.

Nous essayons, dans cet article, de définir au mieux et dresser un état de lieux de ces deux pratiques distinctes, car la confusion est souvent présente dans l’esprit du grand public.

> Pour en savoir plus, consultez nos articles détaillés sur le Street art et sur le Graffiti !

Les origines

Street art

Le street art a émergé dans les années 1960-1970 en tant que forme d’expression artistique urbaine en dehors du cadre traditionnel des galeries d’art. Il est influencé par divers mouvements artistiques tels que le pop art, le surréalisme et l’art conceptuel. Les artistes de street art ont cherché à utiliser l’espace public pour s’exprimer, défiant ainsi les conventions artistiques et sociales établies.

Néanmoins, “street art“ reste un terme fourre-tout, dans lequel de nombreuses pratiques sont mélangées sans distinction. Il est souvent associé à une culture artistique plus large et diversifiée. Il peut englober des formes d’expressions artistiques variées, telles que la fresque murale, les œuvres en anamorphose, le pochoir, les installations, l’affichage et le collage. Il est souvent caractérisé par son accessibilité au grand public, son intention de provoquer la réflexion et parfois son engagement envers les questions sociales et politiques.

Le street art a évolué au fil des décennies, passant d’une forme d’expression underground et marginale à une forme d’art urbain de plus en plus reconnue et valorisée. Certaines œuvres de street art sont devenues des icônes culturelles et attirent des amateurs d’art du monde entier.

Graffiti

Le graffiti moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui a ses origines dans les années 1960-1970, dans les quartiers défavorisés de New York et de Philadelphie, aux États-Unis. Il était initialement associé à la culture hip-hop émergente, et était utilisé comme un moyen pour les jeunes de marquer leur territoire et de s’exprimer au sein de leurs communautés. Mais également pour provoquer une société dont ils se sentaient exclus.

Le graffiti se concentre principalement sur la réalisation de lettrages stylisés à l’aide de bombes de peinture aérosol.

Le mouvement a connu une évolution complexe et parfois controversée. Alors que de nombreux graffeurs continuent de créer des œuvres illégales dans les espaces publics, d’autres ont adopté des approches plus légales et ont trouvé des opportunités pour s’exprimer de manière plus officielle, notamment en participant à des expositions d’art urbain ou en se professionnalisant.

Intentions et messages

Street art

Le street art met souvent en lumière des thématiques assez larges, abordant des questions sociales, politiques, environnementales ou culturelles. Les artistes utilisent leur art pour exprimer des idées, des émotions et des commentaires sur le monde qui les entoure. Leurs œuvres peuvent porter sur des sujets tels que l’injustice sociale, l’inégalité, la liberté d’expression, l’environnement, et bien d’autres.

Les street artistes ont généralement l’intention de susciter la réflexion et de provoquer des émotions chez le public. Ils peuvent chercher à engager le spectateur dans une réflexion et à stimuler la prise de conscience sur des problèmes importants. Le street art peut également être utilisé pour inspirer, égayer l’espace public ou promouvoir des valeurs positives. Il sert aussi parfois uniquement de décoration, lorsque les artistes répondent à une commande.

Même s’il est difficile de définir le profil type d’un street artiste, de nombreux praticiens ont étudié l’art en école. La démocratisation de ce mouvement urbain attire de nombreux étudiants en art, qui perçoivent maintenant ces pratiques comme de possibles débouchés professionnels (ce qui n’était pas le cas il y a encore une dizaine d’années).

La notion commerciale est ancrée dans cette pratique artistique, car un véritable marché s’est créé ces dernières années.

Festival Label Valette / © 3ttMan

Graffiti

Le graffiti est souvent centré sur l’expression personnelle, l’identité de l’artiste (et/ou de son groupe) et la reconnaissance au sein de la communauté des graffeurs. Les tags et les graffitis représentent majoritairement les noms (blazes), les pseudonymes ou les signatures des graffeurs, et ils servent souvent à marquer leur présence dans un environnement urbain.

L’intention du graffiti peut varier d’un artiste à l’autre, mais il est souvent lié à un désir d’explorer et de laisser sa marque dans l’espace urbain. Certains graffeurs cherchent à s’affirmer et à se faire remarquer dans la culture underground, tandis que d’autres peuvent simplement être attirés par l’excitation de la création illégale et de la transgression des règles établies. Le risque et la bravoure sont également des notions très présentes dans cette pratique.

À l’inverse des street artistes, les graffeurs ne recherchent pas la commercialisation de leur art, ce qui leur confère une totale liberté de création, sans cadre ni autocensure.

Les puristes qui pratiquent le vandalisme n’ont en général rien à y gagner mais beaucoup à perdre, en cas de poursuites juridiques.

Graffitis sur les toits de New York / © Cem Ersozlu

> Il y a une grande diversité de profils parmi ces courants, chacun ayant ses propres motivations et objectifs artistiques. Certains artistes de street art peuvent incorporer des éléments de graffiti dans leur travail, et certains graffeurs peuvent également aborder des problèmes sociaux et politiques dans leurs œuvres.

Cependant, ces différences générales contribuent à la diversité et à la richesse de l’art urbain dans le monde contemporain.

Styles et techniques

Street art

Le street art englobe une vaste gamme de styles artistiques, allant des œuvres murales colorées et réalistes aux installations abstraites et conceptuelles. Les artistes utilisent souvent des techniques variées telles que le pochoir, la peinture à la bombe, le collage, la mosaïque et même des installations interactives. Le style du street art est généralement plus diversifié et expérimental, reflétant les influences de divers courants artistiques contemporains.

Les techniques utilisées dépendent souvent du médium choisi par l’artiste pour réaliser son œuvre. Par exemple, pour les peintures murales, les artistes peuvent utiliser des pinceaux, des rouleaux et des aérosols pour créer des effets visuels variés. Pour les pochoirs, des supports découpés à la main ou à l’aide de techniques de découpe laser peuvent être utilisés. Des éléments de photographie, de collage et de nouvelles technologies peuvent également intégrer les créations.

© Banksy

© Tom Bob

Graffiti

L’art du graffiti est généralement caractérisé par des lettrages stylisés et des signatures artistiques uniques, appelées « tags ». Les graffeurs développent des styles de lettrages élaborés qui peuvent être difficiles à lire pour les non-initiés mais sont hautement appréciés par la communauté des graffeurs. Le style du graffiti est souvent centré sur la créativité et la complexité des lettres plutôt que sur des images figuratives.

Un aspect important de ce mouvement est le collectif. Généralement, les graffeurs peignent en groupe (crew), et plusieurs groupes se retrouvent pour peindre en commun de grandes fresques lors de Jam. Une compétition peut se créer entre différents groupes de peintres, stimulant la créativité.

La bombe de peinture en aérosol est l’outil principal utilisé par les graffeurs pour créer leurs œuvres. Ceux-ci maîtrisent l’art du contrôle de la pression de la bombe, de l’inclinaison et de la distance par rapport à la surface pour obtenir différents effets, tels que des traits fins ou épais, des dégradés de couleurs et des ombrages. Les graffeurs peuvent également incorporer des éléments de caractères, de personnages ou de motifs abstraits dans leurs lettrages.

Lettrage graffiti / © Does

> En résumé, le street art se distingue par sa diversité de styles et de techniques, allant des peintures murales détaillées aux installations innovantes, tandis que le graffiti se concentre principalement sur des lettrages stylisés et des signatures artistiques réalisées à l’aide de bombes de peinture.

Chaque forme d’art urbain offre des possibilités d’expression uniques pour les artistes, contribuant ainsi à la richesse et à la variété de la scène artistique urbaine contemporaine.

Reconnaissance

Street art

Le street art est généralement mieux accepté et reconnu comme une forme d’art légitime par le grand public. De nombreux artistes de street art ont gagné en notoriété et en succès, et leurs œuvres sont souvent considérées comme des contributions culturelles précieuses dans les villes. Certaines municipalités encouragent et soutiennent activement le street art en organisant des festivals (plusieurs dizaines chaque année rien qu’en France), en créant des espaces dédiés ou en commissionnant des artistes pour embellir certains quartiers.

La contrepartie de cet engouement est la mise en place d’un encadrement de la pratique, qui était à la base assez confidentielle et en marge d’une quelconque organisation établie. L’esthétique peut également devenir plus consensuelle et moins controversée, car les artistes souhaitant être invités lors de festivals se verraient refuser leurs projets.
Les organisateurs de festivals, souhaitant toucher un large public et ne pas froisser les municipalités ni les habitants, ont tendance à naturellement s’orienter vers des choix esthétiques faciles d’accès.

Le street art a progressivement gagné en reconnaissance dans les milieux artistiques et institutionnels. Des musées et galeries d’art exposent désormais régulièrement des œuvres qualifiées de street art, et certains artistes sont devenus célèbres et respectés dans le domaine de l’art contemporain.

Graffiti

Le graffiti est souvent considéré de manière plus mitigée par la société. Certaines personnes voient le graffiti comme une forme d’art de rue authentique et innovante, tandis que d’autres le perçoivent comme du vandalisme et une violation des propriétés publiques et privées.

Le graffiti a joué un rôle important dans la culture urbaine et a contribué à l’émergence de sous-cultures, notamment dans la scène hip-hop. Certains graffeurs ont acquis une reconnaissance parmi leurs pairs et la communauté de l’art urbain pour leur talent et leur style unique.

Sans la présence du graffiti depuis des décennies, il est certain que le mouvement street art n’aurait jamais pris autant d’ampleur. En effet, beaucoup de graffeurs, souhaitant vivre de leur art, se sont professionnalisés et réalisent des fresques murales sur commande. Cela a permis de faire découvrir au public leur travail, et de démocratiser la fresque, qui reste le fer de lance de ces deux mouvements.

Malgré tout, le graffiti n’est pas reconnu par le grand public à sa juste valeur et se retrouve encore aujourd’hui en marge des festivals street art, voire inexistant. La communauté de graffeurs n’a pourtant jamais été aussi nombreuse de part le monde.

> L’évolution de la reconnaissance du street art et du graffiti est complexe et varie d’une région à l’autre. De plus en plus de villes reconnaissent la valeur culturelle du street art et mettent en place des politiques pour soutenir les artistes de rue légitimes tout en luttant contre le vandalisme et les actes illégaux.

Cependant, il existe encore des divergences d’opinion quant à la place du graffiti dans l’art urbain et dans l’espace public. En effet, si le street art cherche à plaire au pus grand nombre, le graffiti originel n’a que faire de la reconnaissance du grand public, bien au contraire.

Légalité

Street art

Dans la grande majorité des cas, le street art est réalisé légalement avec la permission du propriétaire des murs ou des espaces publics concernés. Certains artistes sont invités par des propriétaires, des institutions ou des organisations pour embellir des façades ou des espaces urbains spécifiques. Ces collaborations légales permettent aux artistes de s’exprimer et de contribuer positivement à l’environnement urbain.

Le street art est souvent reconnu et apprécié par la société en tant qu’expression artistique légitime. Les œuvres de street art sont généralement bien acceptées par le public et considérées comme des contributions culturelles enrichissantes pour les communautés urbaines.

Graffiti

Le graffiti est souvent associé à des actes de vandalisme, car il est généralement réalisé sans autorisation sur des propriétés publiques ou privées. En conséquence, le graffiti est souvent considéré comme une infraction et peut être puni par la loi. Les graffeurs qui créent des tags ou des graffitis sans autorisation sont passibles d’amendes, de peines de prison ou de travaux d’intérêt général, selon les lois locales.

En raison de son association avec le vandalisme et du caractère illégal du graffiti dans de nombreux cas, ce mouvement n’est pas toujours perçu comme une forme d’art légitime par la société, mais plutôt comme une nuisance. Cependant, les graffeurs et partisans du graffiti considèrent cette pratique comme une forme authentique et rebelle d’expression artistique, qui défie les normes établies et laisse place à la liberté d’expression.

Moses & Taps / © Amine Bouziane

© Mark Madness

> Il est essentiel de noter que la légalité du street art et du graffiti peut varier considérablement d’une ville à l’autre et d’un pays à l’autre. Certaines villes ont adopté des politiques favorables au street art légal et ont créé des zones dédiées où les artistes peuvent s’exprimer librement. D’autres villes ont une approche plus stricte envers le graffiti et prennent des mesures pour empêcher le vandalisme urbain.

En règle générale, les artistes de street art qui obtiennent l’autorisation des propriétaires ou des autorités locales pour réaliser leurs œuvres sont plus susceptibles d’être considérés positivement et de ne pas faire face à des problèmes légaux.

Street art – Graffiti, quelles différences ?

En résumé

> Le Street Art est un courant artistique urbain de plus en plus populaire et reconnu par les institutions et le grand public. De nombreux acteurs de ce mouvement sont issus d’écoles d’arts et s’approprient l’espace urbain, comme un prolongement de leur cursus artistique.

De multiples pratiques sont regroupées sous cette appellation, bien que les fresques murales soient les réalisations les plus mises en avant.

> Le Graffiti est un mouvement artistique autonome et souvent décrié, car illégal par essence. Bien que l’anonymat y soit la règle, il revendique l’identité de ses acteurs, que ce soit de manière individuelle ou collective.

Sa présence dans le monde entier et le nombre croissant de praticiens depuis des décennies est la preuve de sa vivacité et de sa longévité.

Si de nombreux graffeurs ont rejoint le mouvement plus large du street art, y trouvant un moyen approprié de s’exprimer ou se faire (re)connaître, l’inverse est moins vrai. En effet, quasiment aucun street artiste rémunéré pour son art décide de basculer dans l’anonymat et l’illégalité. Si des passerelles sont créées entre ces deux univers, les évolutions se font en parallèle et il existe des divergences marquées.

De nombreux acteurs de la scène graffiti détestent le street art pour sa portée commerciale et trop consensuelle, mais aussi pour la récupération et la marchandisation de nombre de ses codes. Un exemple connu est la vandalisation d’une fresque du street-artiste Obey à Paris par le collectif Hiya , qui reprochait à l’artiste de mettre en avant une vision édulcorée de la république alors que le pays traversait de graves crises sociétales.

Fresque vandalisée par Hiya / © Obey

Pour ces deux courants d’art urbain, des acteurs de milieux artistiques plus académiques annonçaient un effet de mode voué a disparaître rapidement. Étant donné l’ampleur que prennent le graffiti et le street art dans nos sociétés, force est de constater que le pronostic n’était pas bon !

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